Retour à L’ISERE & L’ARC EN COMBE DE SAVOIE

Les aléas inondation

Comme sur une grande partie de la France, aucune crue majeure n’est survenue en Combe de Savoie durant la seconde moitié du 20e siècle. Cette relative clémence fait temporairement oublier les risques d’inondation par l’Isère et l’Arc.

« Il faut se méfier de l’eau qui dort » dit le proverbe… en effet, la totalité de la Combe de Savoie est, sauf exception, exposée à des degrés divers à des risques d’inondation.

› Les aléas par l’Isère et l’Arc

Les perturbations à l’origine de crues importantes

Les crues de l’Isère et de l’Arc peuvent être générées par deux types de perturbation :

  • des perturbations océaniques qui vont essentiellement entraîner une forte réponse hydrologique sur le massif de l’Arly et du Beaufortain : ces situations entrainent des crues de l’Isère à Albertville, conjuguée avec des contributions plutôt modérées de l’Arc ;
  • des perturbations dites de retour d’Est, caractérisées par de très fortes précipitations sur les hauts bassins versants frontaliers. Les effets deviennent redoutables dès lors que ces pluies se conjuguent avec une fonte nivale accélérée : ces configurations vont essentiellement entraîner des crues de l’Arc avec une contribution plus modérée de l’Isère à Albertville.

Les débits de crues centennales de l’Isère à Albertville et de l’Arc à son entrée dans la Combe  sont évalués respectivement à 1170 et 1100 m3/s. Le débit total entrant dans le système de la Combe de Savoie est donc d’environ 1900 m3/s, et ceci pour les deux configurations hydrologiques. Par exemple pour une crue centennale provoquée par un Retour d’Est, la contribution de l’Arc est de 1100m3/s et celle de l’Isère à Albertville 800m3/s.

Alors qu’ils ont un effet majeur sur les débits « ordinaires » et sur les crues annuelles (crues courantes de faibles ampleur), les aménagements hydroélectriques n’ont pas d’effet sensible sur les débits des crues moyennes (occurrence 10 ans) et a fortiori les plus rares.

En Bref…


» Les perturbations océaniques conduisent à des crues de l’Arly et de l’Isère à Albertville, la contribution de l’Arc restant modeste.

» Les « Retours d’Est » entraînent des crues importante de l’Arc avec une contribution plus modérée de l’Isère à Albertville.

» En Combe de Savoie les aménagements hydroélectriques n’ont pas d’impact sur les crues de période de retour supérieure ou égale à dix ans.

Approche historique des crues

Durant la période 1550-1850, nommé Petit Age glaciaire en raison des basses températures observées et des précipitations plus abondantes, l’Isère et l’Arc sont le siège de nombreuses crues majeures. A cette époque l’Isère n’est pas endiguée et les crues s’épandent donc librement dans les plaines (Combe de Savoie et Grésivaudan). Ces crues sont connues le plus souvent au travers des désordres qu’elles engendrent sur la ville de Grenoble en aval.

Les archives font par exemple état en décembre 1740 de 2,40m d’eau à Domène (Isère), et lors du « Déluge de la Saint Crépin » en octobre 1778 le débit de l’Isère est estimé à 1820m3/s à Grenoble.

En Combe de Savoie, les crues majeures ne sont connues qu’au travers de leurs conséquences agricoles pour les populations de la Combe de Savoie (exemple de la famine de 1816).

De fait, en l’absence d’infrastructure dans la plaine à cette époque, les informations restent globalement pauvres notamment sur le plan de la quantification hydrologique des phénomènes.

La « crue historique » de l’Isère survient 5 ans après la fin du chantier d’endiguement de l’Isère en Combe de Savoie, en 1859. Toutefois la connaissance de cette crue se concentre presque exclusivement là encore sur le Grésivaudan et le bassin Grenoblois.

En 2009, le Service de Prévision des Crues des Alpes du Nord (DREAL Rhône Alpes) a estimé que pour cette crue, le débit à l’exutoire de la Combe de Savoie était probablement supérieur à 1500 m3/s, ce chiffre étant à prendre avec précaution compte tenu des extrapolations importantes à l’origine de cette estimation.

Les débits atteints dans les différentes parties de la Combe de Savoie (contribution respective de l’Isère à Albertville et de l’Arc à Aiton) lors de cette crue sont en fait très mal connus.

Il faut noter qu’à cette époque la morphologie du lit de l’Isère, et donc les conditions d’écoulement, étaient radicalement différentes de celles d’aujourd’hui.

L’institut des Risques Majeurs de Grenoble consacre un important dossier aux conséquences de la crue du 2 novembre 1859 sur la ville de Grenoble.

En savoir +

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Inondations_Grenoble1859

Grenoble inondée novembre 1859-Gravures sur bois de Diodore Rahoult © Archives municipales de Grenoble

En 1910, 1920, 1924, 1928, 1937 des crues de l’Isère et/ou de l’Arc s’accompagnent de surverses sur les digues essentiellement au droit des communes de Cruet, Saint Pierre d’Albigny ou encore Grésy sur Isère.

Les désordres sur les digues resteront manifestement limités à des affouillements localisés du perré, et aucune brèche dans les digues n’est signalée. Outre le système d’endiguement, compte tenu de l’occupation de la plaine, ces crues n’ont potentiellement pu affecter que les activités agricoles.

En 1940, une crue de l’Isère atteint un débit estimé à 800 m3/s environ à Albertville, ce qui correspond à une période de retour de l’ordre de 50 ans. La contribution de l’Arc lors de cette crue, et les débits atteints en aval de la confluence, ne sont pas connus. Cette crue a provoqué des surverses sur les digues sur plus de 14 km entre le Pont Royal et Montmélian sans créer de brèche. Aucune archive n’atteste de dégât particulier (l’urbanisation de la plaine reste à cette époque marginale) lors de cette crue, qui est le dernier épisode hydrologique important du 20e siècle.

Il faut ensuite attendre le début du 21e siècle pour que des crues d’occurrence au moins décennale se produisent en Combe de Savoie. Sur ces quatorze dernières années, on recense :

  • crue de mai 1999 : crue d’occurrence comprise entre 10 et 30 ans à Albertville, aucune surverse sur les digues n’a été recensée ;
  • crue de mars 2001 : crue d’importance décennale de l’Isère à Albertville ; des débordements localisés entrainent l’érosion du talus de l’autoroute A430 au droit de la plaine agricole de Sainte Hélène sur Isère ; (illustration ?)
  • crue de janvier 2004 : crue de l’Arly entrainant, un débit de crue de l’Isère de période de retour d’environ 10 ans à Albertville; cette crue bien que plus faible que celle de 1999, s’accompagne cette fois de débordements significatifs dans le secteur du pont de Grésy, mais sans pour autant créer de dommages (inondation affectant uniquement des terrains agricoles hors période d’activité végétative) ;
  • crue de mai 2008 : crue liée à un phénomène de retour d’Est sur les massifs frontaliers de haute Maurienne et haute Tarentaise. Les débits atteignent 900 m3s/s en aval de la confluence de l’Arc, avec une contribution prépondérante de ce dernier, soit une période de retour de l’ordre de 20 ans.
  • crue de mai 2010 : crue d’occurrence décennale à Albertville. Cette crue, bien que d’importance très « moyenne » s’accompagne d’une situation très tendue au niveau du pont de Grésy vis-à-vis de risques de surverses au-dessus de la RD 1090. Cette crue est très bien renseignée aussi bien en ce qui concerne les niveaux d’eaux atteints que les évolutions du lit endigué qu’elle va engendrer. Elle a donné lieu à des inondations limitées et localisées de quelques habitations et de zones d’activités (zones d’Arbin et la Chavanne) et entrainé une situation « tendue » pour le réseau routier et notamment de la RD 1006.

Les crues historiquement les plus importantes en Combe de Savoie sont celles de 1859 et 1940. Elles sont intervenues à une époque où les enjeux présents et la vulnérabilité de la plaine étaient notablement différents d’aujourd’hui.

Depuis que la Combe de Savoie a pris son « visage » actuel, c’est-à-dire à partir de 1970 environ, aucune crue majeure n’est survenue et le territoire n’a pas d’expérience particulière du point de vue du risque d’inondation par l’Isère ou par l’Arc.

En revanche, un nombre important de crues moyennes a été enregistré lors de la dernière décennie (période de retour de l’ordre de 10 à 30 ans).

Ces crues ont montré les limites de la protection des enjeux apportée par le système hydraulique actuel de la Combe de Savoie, et ont mis en évidence la nette dégradation de la situation consécutive aux évolutions importantes du lit de l’Isère.

En Bref…


» Historiquement, les crues survenues en Combe de Savoie sont peu documentées car elles ont affecté une plaine essentiellement agricole.

» Aucune crue majeure n’est survenue depuis que la Combe de Savoie a pris son « visage actuel ».

» Les crues moyennes survenues depuis les années 2000 ont montré les limites du système hydraulique actuel.

Approche théorique : la modélisation hydraulique

Le système hydraulique de la Combe de Savoie a été modélisé par informatique afin d’appréhender les conditions d’écoulement et de propagation des crues d’importance croissante (crues décennales, trentennales, cinquantennales et centennales). Cette approche théorique permet d’évaluer les zones inondées, les hauteurs d’eau, les temps de propagations etc…

Les dynamiques d’inondation par l’Isère et l’Arc en Combe de Savoie sont résumées ci-après.

× Les premiers débordements

Les premiers débordements dans la plaine interviennent à partir d’une période de retour de l’ordre de 5 ans par des refoulements de l’Isère au travers des digues par l’intermédiaire des débouchés dans le lit de certains cours d’eau affluents.

Des superficies assez importantes peuvent ainsi être inondées avant même que des surverses n’interviennent sur les digues. Ces zones inondées sont le plus souvent des zones agricoles et des zones naturelles mais peuvent aussi localement concerner très directement des zones urbanisées.

Jusqu’à concurrence de période de retour de 10 ans et 20 ans, respectivement pour la partie en amont et en aval de la confluence de l’Arc, les désordres restent limités. Ce type d’épisode est effectivement survenu dans un passé récent (crue de janvier 2004 pour la partie amont et mai 2008 pour la partie aval).

Les conditions d’inondation de la plaine vont très rapidement se complexifier pour des crues d’intensité supérieure et surtout les désordres vont rapidement affecter des enjeux  plus sensibles.

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Les grandes lignes de la montée en puissance des aléas sont les suivantes :

× Pour des occurrences voisines de 30 ans

Les désordres concernent prioritairement le secteur du pont de Grésy, avec des débordements de l’Isère sur les digues rive droite et rive gauche, qui neutralisent directement la route départementale RD 1090, mais aussi l’ensemble du réseau routier secondaire. La propagation des flux vers l’aval affecte la voie ferrée.

Les zones d’activités de Saint Pierre d’Albigny, Arbin, Montmélian et La Chavanne sont inondées par une combinaison variable de refoulements au droit des zones elle-mêmes, et de propagation de flux en provenance de zones de surverses sur les digues plus en amont.

La situation des autoroutes A 43 et A430 est localement critique.

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× Pour des occurrences voisines de 50 ans

L’inondation de la plaine se généralise sur toute la partie centrale comprise entre la courbe de Montailleur et le seuil de Montmélian. Les zones d’activités sont touchées avec des hauteurs d’eau importantes.

La totalité du réseau routier départemental est neutralisé, avec parfois des débits de surverses considérables. Le réseau autoroutier est également neutralisé, du fait de plusieurs zones de surverses.

L’accumulation d’une hauteur d’eau importante en arrière de la voie ferrée qui barre totalement le lit majeur rive droite dans la courbe de St Pierre d’Albigny devrait également se traduire par des désordres importants conduisant à la neutralisation de l’infrastructure.

La situation tend localement à devenir critique sur le bassin Albertvillois avec l’activation de quelques zones de refoulement, entrainant par exemple l’inondation de l’aérodrome de Tournon-Frontenex.

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× Pour des occurrences voisines de 100 ans

Seules sont épargnées :

– les zones d’activités du bassin Albervillois (Albertville, Gilly-sur-Isère) et le parc d’activité Alpespace , mais les digues sont fortement sollicitées

– les zones d’activités de Tournon-Frontenex grâce aux travaux de protection réalisées dans le cadre du premier PAPI.

Les zones d’habitat de Chamousset sont affectées en dépit des travaux de protection réalisés dans le cadre du premier PAPI, mais avec des niveaux nettement inférieurs à la situation originelle.

Les modélisations hydrauliques réalisées, ne fournissent qu’une vision très idéalisée du comportement réel en crue de l’Isère.

Un recul important doit être pris par rapport à l’analyse théorique des conditions d’écoulement des crues dans la Combe de Savoie exposée sommairement ci-dessus.

En Bref…


» Les modélisations hydrauliques montrent que l’inondation de la Combe de Savoie devient problématique à partir des crues trentennales et que la situation devient critique pour des crues de période de retour d’environ 50ans.

Approche réaliste

Il est nécessaire d’intégrer un certain nombre de facteurs susceptibles de modifier et d’aggraver très sensiblement les aléas :

× La défaillance possible des digues :

D’une manière générale, il ressort que les incidences des brèches dans les digues sont excessivement variables selon leur localisation et surtout selon l’importance de la crue lors desquelles elles surviennent. Elles peuvent modifier de manière assez fondamentale les aléas, ainsi que les conditions de propagation des flux dans le lit majeur.

Par exemple, la formation d’une brèche dans la digue rive droite de l’Isère en aval du pont de Grésy, pourrait se traduire par un quasi-assèchement du lit endigué en aval et la diffusion de la totalité du débit dans la plaine via le talweg historique de l’Isère contournant le cône de déjection de l’Arc. Les flux ainsi libérés viendraient buter sur le remblai de grande hauteur portant la voie ferrée et qui obstrue la totalité du lit majeur.

En aval de ce remblai, dont la rupture serait inévitable, les flux se propageraient dans le lit majeur et ne pourraient regagner le lit endigué qu’au droit du pont dit des Anglais, soit 15 km en aval de la brèche.

Brèche_Pt_Gresy

× La défaillance des remblais transversaux et scénarii de débâcles associés

En crue centennale, ce sont plus de 10 millions de m3 qui s’accumulent dans la plaine en arrière de remblais transversaux (routes, voies ferrée etc…). Or pour l’essentiel, ces remblais n’ont pas été conçus pour résister à de quelconques sollicitations hydrauliques.

Leur rupture apparaît dès lors inévitable, entraînant ainsi la libération des volumes d’eau importants accumulés en amont.

Ces risques accidentels de rupture des remblais déterminent donc de multiples scénarii avec un jeu éminemment complexe d’embâcles-débâcles avec « effet domino » dans le lit majeur.

En Bref…


» Un recul important doit être pris vis-à-vis des modélisations, celles-ci ne pouvant pas rendre compte de l’ensemble des scénarii accidentels plausibles.

» La défaillance d’un tronçon de digue peut être lourde de conséquence en fonction de sa localisation et de l’ampleur de la crue durant laquelle la brèche survient.

» Les atterrissements présents dans le lit de l’Isère augmentent le risque de scénarii accidentels.

× Phénomènes chaotiques au niveau des écoulements dans le lit endigué

L’encombrement actuel du lit de l’Isère par des atterrissements de très grande dimension et fortement végétalisés aura des conséquences très importantes sur son comportement réel lors des fortes crues.

La présence d’une végétation ligneuse de bois dur sur ces atterrissements pourrait notamment être à l’origine de phénomènes d’embâcles de très grandes dimensions.

Ces « barrages temporaires » et leur rupture conduirait à des « effets dominos » avec des phénomènes d’à-coups entraînant des remaniements localisés mais brutaux du lit.

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› Les aléas par les cours d’eau affluents

Au contraire des crues de l’Isère et de l’Arc, les crues de leurs affluents sont des phénomènes récurrents dans l’histoire de la Combe. En effet, de nombreuses zones habitées sont historiquement implantées sur le cône de déjection des torrents, et sont de fait exposées à des événements torrentiels dommageables.

Le phénomène de crue torrentielle est ainsi mieux inscrit dans la mémoire collective, et plus documenté que les conséquences des crues de l’Isère et de l’Arc. La liste exhaustive de tous les épisodes torrentiels survenus dans la Combe de Savoie serait fastidieux et se limite ci après aux principaux évènements survenus ces 2 dernières décennies :

  • crue du Ruisseau de Verrens, décembre 2011 : occurrence ~100ans
  • crue de la Biale de Grignon, décembre 2011 : occurrence ~100ans
  • crue du Ruisseau de Saint Vital, décembre 2011 : occurrence ~100ans
  • crue du Nant Bruyant, juin 2008 : occurrence >30ans
  • crue du Ruisseau de Rotey, juillet 2007 : occurrence ~100ans
  • crue du Torrent du Gros Chêne, juin 2007 : occurrence
  • crue du Cayan, juin 2007 : occurrence
  • crue du Gelon, 1999 : occurrence ~50ans
  • crue du Ruisseau de Verrens, février 1990 : occurrence ~30ans
  • crue de la Biale de Grignon, février 1990 : occurrence >30ans
  • crue du Gargot, février 1990 : occurrence >30ans

Les cours d’eau affluents de l’Isère sont à l’origine de 4 types d’aléas inondation :

  • des inondations de plaine (exemple de la Biale de Grignon) caractérisées par des aléas faibles à moyen mais portant sur des superficies importantes
  • des inondations torrentielles, dans lesquelles, le charriage de matériaux solides est prépondérant (exemple le nant Bruyant à Ste Hélène sur Isère)
  • des inondations liées à des configurations de lit perché (exemple du torrent de Fontaine Claire sur la commune de Notre Dame des Millières).

Ces trois types d’inondation peuvent combiner des risques accidentels liés à la présence de très nombreux tronçons endigués.

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