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Le lit de l’Isère

Comme toute rivière, le lit de l’Isère en Combe de Savoie est un système évolutif. Sa morphologie a grandement évolué depuis le début du 20e siècle, or cet aspect est essentiel tant pour la gestion des inondations que pour la qualité biologique des milieux.

Une métamorphose importante du lit de l’Isère, diagnostiquée comme relevant d’une dynamique de lit amoindri, est à l’oeuvre depuis les années 1990, elle est préjudiciable tant pour la sécurité publique que pour l’environnement.

› La métamorphose contemporaine du lit de l’Isère

L’évolution du style alluvial

Au 19e siècle et au moins jusque vers 1950, le lit de l’Isère était occupé par des bancs de galets mobiles et de faible hauteur. Les dépôts de limons sableux y étaient sporadiques.

Les écoulements se ramifiaient dans un bras principal et un ou plusieurs bras secondaires.

A partir de 1960, mais surtout après 1990, le lit opère une véritable métamorphose. Des dépôts massifs de limons se forment sur les bancs de galets initialement mobiles.

Les bancs de galets se transforment en des atterrissements de très grande hauteur, perché au-dessus des eaux-courantes et colonisés par une végétation ligneuse de plus en plus élevée.

Comment expliquer cette évolution ?

Cette évolution est essentiellement expliquée par les aménagements hydroélectriques qui privent l’Isère d’une bonne partie de son débit naturel.

Du fait de la suppression des hautes eaux annuelles résultant des dérivations hydroélectriques, le lit de l’Isère ne parvient plus à évacuer comme il le faisait jusqu’alors les sédiments fins.

Anciennement, des dépôts de sédiments se produisaient, et une végétation pionnière basse s’y installait.

Tous les ans lors des mois de juin et juillet, les débits de l’Isère étaient tels, que ces dépôts étaient emportés. La végétation n’avait jamais le temps de se développer suffisamment pour parvenir à les stabiliser. Autrement dit, l’Isère parvenait à entretenir et régénérer son lit.

Aujourd’hui, il est très rare que l’Isère dispose d’un débit suffisant pour remettre en mouvement les sédiments fins, et lorsque cela survient, ce n’est quelques jours à peine. La végétation a donc largement le temps de se développer sur les dépôts et elle parvient à les protéger de toute reprise érosion même lors des fortes crues.

Pire, lors des crues, l’importante végétation joue le rôle de filtre pour les eaux très chargés en sédiments fins (jusqu’à 40 grammes par litre !).

Cet effet « filtre » provoque des dépôts massifs sur les atterrissements qui s’exhaussent alors de plusieurs dizaines de centimètre en une seule crue.

Lors de la crue de mai 2008, tous les atterrissements en aval du Pont Royal se sont exhaussés, sur toute leur surface, de près 50 cm.

L’évolution du lit n’a donc pas encore atteint son stade ultime : l’exhaussement des atterrissements se poursuit encore aujourd’hui. En revanche, le fond du lit reste globalement stable.

En Bref…


» Depuis les années 1990, le lit de l’Isère est le siège d’une métamorphose importante qui modifie totalement son style alluvial.

» Cette métamorphose transforme un milieu initialement à forte dynamique occupé par des espèces pionnières, en un milieu figé siège d’une végétation terrestre ou d’espèces envahissantes.

» Aujourd’hui, l’Isère ne parvient ni à entretenir ni à régénérer la totalité de l’espace intra-digue. Le problème actuel de l’Isère n’est pas lié à sa chenalisation, mais à la disparition des petites crues dites morphogènes.

› Les conséquences de cette métamorphose

Les évolutions contemporaines du lit ont des répercussions néfastes à la fois pour la sécurité publique et pour la qualité de l’environnement et la biodiversité. La situation actuelle est d’ores et déjà très préoccupante et si rien n’est fait elle ne peut qu’empirer.

Conséquences sur la sécurité publique

La situation actuelle de la Combe de Savoie s’est considérablement dégradée par rapport à ce qu’elle était vers 1980. Dans toute la partie centrale de la Combe, la réduction de la capacité du lit atteint des proportions tout à fait inédites, même en se plaçant à l’échelle des 150 années d’existence de l’endiguement.

Du fait des atterrissements la capacité du lit endigué s’est fortement restreinte abaissant les seuils de débit avant surverse au-dessus des digues.

De plus, la présence des atterrissements végétalisés sera inévitablement à l’origine d’embâcles de grandes dimensions qui seront autant de source pour des scénarios accidentels : sollicitation accrues des digues conduisant à leur défaillance, destruction de pont etc …

Embâcle pont Saint Pierre

D’une manière générale, les atterrissements :

  • ont une incidence forte sur le coût des travaux de confortement des digues (interventions de plus en plus régulières et de plus en plus délicates à réaliser),
  • rendent difficile le dimensionnement des travaux d’amélioration du système d’endiguement (contrôle des surverses).

Conséquences sur l’environnement

D’un point de vue environnemental, les conséquences de l’évolution ne sont pas moins connues, ni moins dommageables.

L’évolution actuelle du lit de l’Isère a pour conséquence la banalisation croissante des habitats aquatiques. Le lit se résume en effet de plus en plus en un chenal unique en forme de U (transition très brutale avec la digue d’un côté et les atterrissements de grande hauteur de l’autre) et les annexes hydrauliques tendent à disparaître (bras secondaires…).

La situation est plus particulièrement critique sur le tronçon en amont de la confluence de l’Arc, avec la disparition quasi-totale des bras secondaires. Sur le tronçon aval, des bras secondaires restent présents encore aujourd’hui mais les inquiétudes sont réelles sur leur pérennité. Cette évolution négative des habitats a des répercussions sur les populations piscicoles.

Par ailleurs, les travaux réalisés depuis plusieurs décennies, en particulier par le Laboratoire d’Ecologie Alpine (LECA), mettent en évidence la perte de biodiversité des atterrissements en place.

Ceux-ci évoluent naturellement hors intervention humaine, vers des groupements de bois dur au détriment des espèces dites pionnières qui sont naturellement et historiquement les espèces remarquables présente dans le lit, et qui sont aujourd’hui pour la plupart protégées. De plus, les atterrissements sont colonisés par des espèces exotiques envahissantes, parmi lesquelles la renouée du Japon, ou encore le Solidage du canada qui constitue dans certains bras secondaires comblés des communautés monospécifiques.

Il est aujourd’hui acquis, qu’il est dans un premier temps nécessaire de revenir à un état « zéro » qui consiste à déboiser et à araser le dépôt jusqu’à son soubassement de galets.

A défaut d’intervention, la qualité environnementale du lit va continuer de se dégrader. Il est ainsi permis de redouter la disparition future des bras secondaires dans le tronçon en aval de la confluence de l’Arc, à l’instar de l’évolution déjà constatée sur le tronçon amont.

En Bref…


» La dynamique de lit amoindri est préjudiciable, tant pour la sécurité publique que pour la biodiversité et l’environnement.

» La situation actuelle, est d’ores et déjà très problématique, mais si rien n’est fait elle va encore empirer.

› La restauration du lit de l’Isère en Combe de Savoie

La restauration du lit de l’Isère vise à retrouver un fonctionnement satisfaisant de la rivière. Cette opération se distingue radicalement d’un aménagement purement hydraulique : il ne s’agit pas de remanier le lit de la rivière afin d’assurer une protection, par exemple, contre une crue centennale. La notion de débits de projet est ainsi totalement étrangère à l’opération.

L’élaboration d’une stratégie de restauration de l’Isère basée sur la recherche d’un fonctionnement morphodynamique pérennisable permet de définir un état cible. La définition d’un état cible a été largement débattue dans des réflexions conduites aussi bien à l’échelle de la Combe de Savoie qu’à l’échelle plus vaste de l’axe Isère.

Les études préalables sont parvenues à la conclusion que le problème actuel de l’Isère n’est pas lié à sa chenalisation, mais à la disparition des petites crues dites morphogènes.

L’Isère ne parvient en l’état actuel, ni à entretenir ni à régénérer la totalité de l’espace intra-digue.

L’état cible retenu correspond au lit actuel avec arasement des atterrissements végétalisés, jusqu’à retrouver les bancs de galets sous-jacents.

Les atterrissements de grande hauteur sont supprimés au profit de bancs de galets, qui sont le siège de dépôts de limon en quantité plus limitée, et sur lesquels ne se développe qu’une végétation pionnière inféodée aux rivières alpines à lit mobile.

Pour pérenniser ces travaux de restauration des études sont engagées avec l’Etat et EDF afin de rétablir des hautes-eaux annuelles permettant d’assurer « l’auto entretien » du lit.

Des travaux d’évacuation des limons ont d’ores été réalisés par l’Etat entre 2007 et 2012.

Ils ont concerné les tronçons situés entre le pont Albertin et le pont de Gilly, et celui entre le pont Royal et le pont de St Pierre d’Albigny.

En Bref…


» La restauration consiste à retrouver des bancs de galets occupés par une végétation pionnière typiques des rivières alpines à lit mobile.

» Le chenal unique en U est remplacé par une rivière à chenaux multiples présentant des faciès d’écoulement diversifiés.

» Des réflexions sont engagées afin de rétablir des hautes-eaux annuelles permettant la pérennisation de l’état restauré.

Dans le cadre du PAPI n°2, il est prévu de restaurer le lit sur le tronçon compris entre l’amont du pont de Coise et le seuil de Montmélian et celui entre la courbe de Montailleur et le pont Royal.

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